De Srila Baladeva Vidyabhusana
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Sûtra 4
tat tu samanvayat
tat – ce fait; tu – mais; samanvayat – parce qu’il y a concordance dans tous les textes du Védanta.
“Le Texte révélé est bien la source du Brahman, parce qu’il y a concordance.”
Commentaire de Srila Baladeva Vidyabhusana
Le mot tu (mais) dans ce sûtra est utilisé afin de réfuter la thèse opposée énoncée précédemment. Il est juste de dire que le Seigneur Visnu est le seul sujet de discussion dans tous les Védas. Pourquoi? La réponse est: samanvayat (parce que les Écritures nous amènent à cette conclusion). Le mot anvaya signifie ‘la compréhension du sens réel’, et samanvaya signifie ‘la compréhension parfaite après une délibération minutieuse’. Lorsque nous appliquons les règles d’interprétation susmentionnées (en commençant par upakrama et upasamhara) aux textes des Védas, nous arrivons à la conclusion que le Seigneur Visnu est le seul sujet de discussion dans tous les Védas. S’il en était autrement, pourquoi alors, la Gopala–tapani Upanisad affirmerait-elle que le Seigneur Visnu est glorifié par tous les Védas? C’est ce que confirme le Seigneur Suprême, Lui-même, dans les versets suivants:
vedais ca sarvair aham eva vedyo vedanta-krd veda-vid eva caham
“Le but de tous les Védas est de Me connaître; en vérité, c’est Moi qui ai compilé le Vedanta, et Je suis Celui qui connaît les Védas.” – Bhagavad–gîta 15.15
kiṁ vidhatte kim ācaṣṭe kim anūdya vikalpayet ity asyā hṛdayaṁ loke nānyo mad veda kaścana māṁ vidhatte ’bhidhatte māṁ vikalpyāpohyate tv aham
“Où mène le savoir védique? Sur qui met-il l’accent? Qui est le but de toute recherche philosophique? À part Moi, personne ne connait la réponse à ces questions. Sache que toutes ces activités ont pour but d’établir Ma position et de Me mettre en évidence. Le but des écrits védiques est de Me connaître au moyen de diverses théories, que ce soit par une compréhension indirecte ou au sens littéral.” – Srimad-Bhagavatam (11.21.42-43)
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Note additionnelle
Le mot tu (mais) signifie qu’on écarte l’opinion antérieur. Ce (c’est-à-dire ce) Brahman omniscient, omnipotent, cause de l’origine, de la conservation et de la dissolution du monde, n’est accessible que par l’enseignement du Védanta.
Pourquoi?
Parce qu’il y a concordance (samanvaya), c’est-à-dire que dans tous les textes du Védanta les propositions concordent (samanugata) à établir un même sens, en visant un même but (tatparya).
Ainsi
“L’Être seul, mon cher, existait à l’origine, seul, sans second” – Chandogya Upanisad VI-ii-1
“Au temps des commencements, il n’existait que le Soi absolu, et uniquement Lui. Il n’existait rien d’autre, de quelque nature que ce soit, qui puisse émettre une lueur.” – Aitareya Upanisad I-i-1
“Oui, ce Brahman est dépourvu d’antériorité comme de postériorité, d’intériorité comme d’extériorité. Ce Soi doué de perception universelle est Brahman. Tel est l’enseignement secret de l’Upanisad.” – Brhad–âranyaka Upanisad II-v-19
“Tout ce qui est face à toi n’est rien que Brahman, l’immortel. Brahman est à ton arrière, et aussi sur ta droite et sur ta gauche. Il s’étend au-dessus et en dessous de toi, également. Ce monde entier n’est rien que Brahman, le Suprême.” – Mundaka Upanisad II-ii-11
Et lorsqu’on a déterminé que les mots figurant dans ces [passages] se réfèrent au Brahman en Sa qualité propre [de Brahman], qu’on a compris leur concordance, il serait illégitime de postuler (kalpana) un autre sens, sous peine [d’encourir la faute à] abandonner une chose perçue pour postuler une chose non perçue.
En outre, il faut se garder de conclure que [ces passages] visent à établir (pratipadana) la qualité d’agent, car le Texte rejette (nirakarana) l’action (kriya), l’agent (karaka) et le fruit (phala), comme on voit par “par qui verrait-il alors [et] qui [verrait-il]?”.
Enfin, bien qu’Il ait la nature propre à une substance accomplie, le Brahman ne se réfère pas à la perception ni à un autre [moyen de connaissance], car on ne comprend pas que le Soi passe à l’état de Brahman si [l’on ne recourt] pas au Texte “tu es cela”
“Cet Être qui est cette essence subtile, tout ce qui existe possède Cela (Tat) comme étant son Atman. Cela est la Vérité (le Réel). Cela est l’Atman. Tu es Cela, ô Svetaketu!” – Chandogya Upanisad VI-viii-7
[Tat Tvam Asi (Toi aussi, tu es Cela), l’une des quatre maximes védiques fondamentales. Cf. Mahavakyas.]
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Les Textes védiques affirment également:
saksat-paramparabhyam veda brahmani pravartate
“Que ce soit directement ou indirectement, les Védas décrivent Brahman.”
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Dans la section jnana-kanda des Védas, les formes et les qualités transcendantales de Dieu, la Personne Suprême sont directement décrites, et dans la section karma–kanda des Védas, le Seigneur est indirectement décrit dans la discussion de l’action intéressée et des diverses divisions de la connaissance matérielle. Que Dieu, la Personne Suprême soit le seul sujet de discussion dans les Védas est également confirmé dans les passages scripturaires suivants:
tam tv aupanisadam purusam prcchami
“Maintenant c’est moi qui t’interroge sur cette Personne que l’on ne peut connaître que par les Upanisads.” – Brhad–âranyaka Upanisad (III-ix-26)
tam etam vedanuvacanena brahmana vividisanti
“Les brahmanas recherchent Dieu, la Personne Suprême par l’étude des Védas.” – Brhad–âranyaka Upanisad (4.4.22)
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Quant aux divers résultats des fruits de l’action, tels que faire tomber la pluie, avoir un fils ou atteindre les planètes matérielles célestes, qui sont offerts à ceux qui se livrent aux rituels du karma–kanda, ces bienfaits sont offerts pour attirer l’esprit des hommes ordinaires.
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Lorsque les hommes ordinaires voient que ces avantages matériels peuvent être obtenus en accomplissant les rituels védiques, ils sont attirés par l’étude des Védas. En étudiant les Védas, ils parviennent peu à peu à faire la différence entre ce qui est temporaire et ce qui est éternel. Ainsi, ils se détournent progressivement des choses temporaires de ce monde et en viennent à désirer Brahman. C’est pourquoi, nous pouvons en déduire que toutes les parties des Védas décrivent Dieu, la Personne Suprême.
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Les rituels védiques n’apportent des bénéfices matériels que si l’interprète du rituel est animé de désir matériel. À l’opposé, s’il est libre de désir matériel, alors il en résulte plutôt la purification du cœur et la manifestation de la connaissance spirituelle. Aussi, le sens du texte, précédemment cité du Brhad–âranyaka Upanisad (4.4.22), est que les dévas sont considérés comme les différents membres de Dieu, la Personne Suprême, et qu’en les adorant, on adore en fait le Seigneur Suprême, et le résultat d’une telle adoration est que l’interprète du rituel, voit son cœur se purifié graduellement et sa conscience s’éveillé à la connaissance spirituelle.
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Adhikarana 5
Le Brahman Peut Être Connu
- Visaya (La déclaration): Maintenant, en utilisant la logique et des citations scripturaires, nous allons réfuter l’idée fausse selon laquelle le Brahman ne peut être décrit. Nous pouvons cependant faire valoir que de nombreux passages scripturaires soutiennent la théorie selon laquelle le Brahman ne peut être décrit par les paroles.
Par exemple:
yato vaco nivartate aprapya manasa saha
“Sur Lui, les paroles et la pensée qui les accompagne, impuissantes à l’atteindre, font ricochet.” – Taittiriya Upanisad 2.4.1
yad vacanabhyuditam yena vag abhyudyate tad eva brahma tad viddhi nedam yad idam upasate
“Personne n’a le pouvoir de décrire le Brahman par la parole, même si la parole procède du pouvoir accordé par Brahman. Sachez que ce Brahman n’est pas matériel. Adorez ce Brahman.” – Kena Upanisad (1.5)
- Samsaya (le doute): Les paroles peuvent-elles décrire, ou non, le Brahman Suprême?
- Purvapaksa (l’argument contre): Le sruti–sastra affirme que le Brahman ne peut être décrit par les paroles. S’il en était autrement, nous ne pourrions affirmer que le Brahman Suprême est auto-manifesté. Le verset qui suit, tiré du Srimad–Bhagavatam (3.6.40), souligne que les paroles n’ont pu réussir à saisir le Brahman Suprême:
yato ’prāpya nyavartanta vācaś ca manasā saha |
ahaṁ cānya ime devās tasmai bhagavate namaḥ ||
“Le verbe, la pensée et l’ego, avec leurs déva-maîtres, n’ont pas réussi à saisir le Seigneur Souverain. Aussi, si nous voulons faire preuve de bon sens, nous ne pouvons que Lui offrir notre hommage respectueux.”
- Siddhanta (La conclusion parfaite): Srila Vyasadeva réfute ces arguments dans le sûtra suivant…