De Srila Baladeva Vidyabhusana
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Sûtra 12
anandamayo ‘bhyasat
ananda — félicité; mayah — fait de; abhyasat — du fait de la répétition.
“Le mot anandamaya (fait de félicité) se rapporte au Brahman Suprême, parce qu’il a été utilisé à maintes reprises pour Le décrire.”
Commentaire de Srila Baladeva Vidyabhusana
Le Brahman suprême est l’anandamaya décrit dans la littérature védique. Pourquoi l’affirmons-nous ? Parce que le mot anandamaya a été utilisé à maintes reprises pour décrire le Brahman Suprême. Dans la Taittiriya Upanisad (2.6.1), immédiatement après la description d’anandamaya, nous trouvons la déclaration suivante:
asann eva sambhavati asad brahmeti veda cet asti brahmeti ced veda santam enam tato viduh
“Celui qui est d’avis que le Brahman Suprême n’existe pas doit être considéré comme un athée démoniaque, et celui qui croit à Son existence doit être tenu pour un saint.”
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Dans ce passage, le mot Brahman est répété deux fois. Cette répétition est appelée abhyasa. Dans la citation précédente, tirée du Taittiriya Upanisad, le mot Brahman apparaissait dans le mot brahma–puccham, mais dans ce cas, le mot n’apparaissait qu’une fois, il avait donc absence de redoublement, abhyasa.
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Les quatre versets tirés du Taittiriya Upanisad commençant par le verset annad vai prajah prajayante décrivent les niveaux d’existence annamaya, pranamaya, manomaya et vijnânamaya. Chacun de ces niveaux est progressivement plus élevé que le précédent, et après eux, le niveau anandamaya, différent en qualité, est le plus élevé de tous. Ceci sera expliqué plus en détail dans le sûtra: priya–siras tv adya–prapter (3.3.12) de cet ouvrage.
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À ce stade-ci, un opposant pourrait soulever l’objection suivante: Ces niveaux d’existence décrivent les âmes conditionnées, tombées dans le fleuve déchaîné de la souffrance matérielle. Pourquoi a-t-on fait de l’anandamaya, l’état spirituel de béatitude, le plus intérieur et le plus subtil, le principal de ces niveaux d’existence de souffrance? »
A cette objection, je réponds: Il n’y a pas de faute à cela. Le Seigneur Bienheureux, fait de Félicité, est présent dans le cœur de toutes les âmes conditionnées qui souffrent dans ce monde, il est donc parfaitement approprié de les mentionner tous deux.
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Les Textes védiques s’expriment ainsi afin de rendre intelligible un sujet difficile à saisir pour l’homme du commun. De la même manière, nous pouvons localiser l’étoile Arundhati, à peine visible à l’œil nu, en pointant d’abord une étoile voisine, plus lumineuse, puis, conduire l’observateur de ce point de référence vers l’étoile Arundhati. Ainsi, les Textes védiques décrivent d’abord la vie remplie de souffrances des âmes conditionnées, puis, à partir de ce point de référence, enseignent ce qu’est la toute béatitude de Dieu, la Personne Suprême.
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À cette étape-ci, un opposant pourrait soulever la question suivante: Est-ce donc que les Textes védiques décrivent surtout des sujets autres que le Brahman Suprême, (parce que la plupart du temps ils décrivent ces ‘points de référence’ pour conduire le lecteur au Suprême), ou est-ce qu’ils décrivent principalement le Brahman?
À cette question, je réponds ceci: Le Brahman est directement décrit dans les Textes védiques. Par exemple, dans le chapitre suivant du Taittiriya Upanisad, Varuna, à qui son fils demande de lui enseigner qui est Brahman, et lui répond que le Brahman est le créateur, le mainteneur et le destructeur originel des univers matériels. Il explique ensuite que les niveaux d’existence annamaya, pranamaya, manomaya et vijnânamaya sont tous, l’un après l’autre, Brahman. Puis il lui révèle que le niveau d’anandamaya est le Brahman final. Puis, après l’avoir instruit sur tous ces sujets, Varuna conclut son enseignement en affirmant qu’il avait donné une description exacte de Dieu, la Personne Suprême. Il dit:
etam anandamayam atmanam upasankramya iman lokan kamani kama-rupy anusancarann etat sama gayann aste
« Après avoir quitté son corps de matière, celui qui connait la Personne Suprême anandamaya quitte ce monde matériel et entre dans le monde spirituel. Tous ses désirs se réalisent, il atteint une forme spirituelle selon son propre désir, et il se consacre à glorifier cette Personne Suprême anandamaya. »
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L’Être Suprême, anandamaya, dont il est question dans les Textes védiques est en fait le Brahman Suprême, ce que corrobore la déclaration suivante, tirée du Srimad–Bhagavatam (10.87.17):
purusa-vidho ‘nvayo ‘tra caramo ‘nnamyadisu yah sad asatah param tvam atha yad esv avasesamrtam
“Ô Seigneur, d’entre toutes les expressions purusa dans la matière externe, en commençant par l’annamaya–purusa, Tu es le Suprême”.
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Notons à ce propos qu’il n’est pas contradictoire ni illogique de dire que le Brahman Suprême possède une forme. La forme du Seigneur Suprême est décrite dans les Textes védiques, par exemple, la Brhad–âranyaka Upanisad (3.7.3) explique :
prthivi sanram
“L’univers matériel est le corps de Dieu, la Personne Suprême”.
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C’est parce que Dieu, la Personne Suprême possède une forme (sarira), que cet ouvrage, le Védanta–sûtra, est aussi appelé Sariraka–sûtra (les sûtras à la gloire de Dieu, la Personne Suprême, doté de forme). Certains diront que le mot anandamaya ne fait pas allusion au Brahman Suprême, et que seul le mot brahma–puccham s’y rapporte. Cette proposition n’est pas très pertinente. D’autres peuvent affirmer que le mot anandamaya ne se rapporte pas à Brahman du fait que maya signifie « transformation ». Ces personnes soulignent que le mot anandamaya (transformation de la félicité) ne peut se rapporter au Brahman Suprême, puisque le Brahman est naturellement fait de félicité, et non pas une transformation d’un état de bonheur préexistant. C’est pourquoi le mot anandamaya renvoie à l’âme spirituelle individuelle, et non à Brahman. Afin de réfuter cet argument, Srila Vyasadeva énonce le sûtra suivant: